Tookie, une Amérindienne de Minneapolis, perd très jeune une mère toxicomane et part à la dérive. À trente-deux ans, elle se voit condamnée à soixante ans de prison pour avoir transporté illégalement, du Wisconsin au Minnesota, le cadavre d’un Blanc, sans savoir que de la cocaïne a été scotchée sous les aisselles du mort. Un avocat dévoué à sa cause obtient sa libération au bout de sept ans de détention. Grâce à son compagnon et à sa passion des livres, elle se réinsère dans la communauté ojibwée jusqu’au jour où le fantôme de Flora, une ancienne lectrice, vient hanter la librairie où elle travaille. Louise Erdrich (Celui qui veille, Les Notes février 2022) campe son intrigue dans une librairie qui promeut la littérature amérindienne. Une équipe de femmes bataille pour que survive ce lieu de culture indépendant à l’heure où sévit l’épidémie de Covid. La romancière joue habilement avec la mise en abyme et les différentes acceptions de « sentence », titre du manuscrit maudit qui obsède l’héroïne. Cette dernière, consciente d’avoir été sauvée par les livres, pratique avec bonheur une forme de « prosélytisme littéraire » en livrant – et parfois avec excès – ses coups de cœur. L’auteure évoque à plaisir, avec humour souvent, dans une langue inventive, les rituels des différentes communautés amérindiennes et donne à suivre la quête identitaire d’une femme aux prises avec un fantôme qui lui distille des clés sur sa propre histoire. Un roman puissant et engagé qui jongle avec les codes du thriller et plaide avec vigueur la cause des Indiens d’Amérique du Nord, dépossédés de leurs terres et malmenés par l’usurpateur blanc. (A.K. et J.D.)