Novembre 1919 : les Bolcheviks pénètrent au sud de la Russie ; « le Coq rouge » qui pille, brûle et exécute parvient en Ukraine jusqu’au domaine ancestral d’Yelena, naïve et exaltée, hantée par Tchekov. Accompagnée de sa tante, elle fuit à Sébastopol où elle embarque sur un navire vétuste. Octobre 1920 : un jeune Berbère, Tarik, cœur tendre et fils exemplaire, l’aperçoit à Bizerte sur le pont, vêtue de mousseline blanche. Ébloui, il doit la retrouver. Il la retrouve. Il doit aussi s’occuper du mariage prochain de sa sœur. Yelena accepterait-elle de s’investir dans ce mariage ? Didier Decoin (Le bureau des jardins et des étangs, Les Notes janvier 2017) s’inspire d’événements authentiques. En 1920, les débris de l’Armée blanche mêlés à des populations en fuite quittent la Crimée, aidés par la France, sur une flotte délabrée. Mais ils restent coincés à Bizerte jusqu’à ce que la France reconnaisse l’URSS en 1924. Sur ce sujet original, l’auteur croise les destins de Tarek et Yelena dans un roman à la chronologie tourbillonnante, aux événements saugrenus. Le ton est léger, attendrissant, poétique ; senteurs et couleurs sont exaltées. Mais une inquiétude s’installe. Des citations de La Cerisaie suggèrent qu’une tragédie se tisse dans la trame du récit. Elle éclate dans les dernières pages. Et cette double lecture rétrospective ajoute de la profondeur à ce roman un tantinet bavard et à l’intrigue très éparpillée. (M.W. et A.Be.)