« Un cardinal escroc, la reine impliquée dans une affaire de faux ! Que de fange sur la crosse et le sceptre ! Quel triomphe pour les idées de liberté ! » Loin de donner les clés de l énigme, cette exclamation d un magistrat du parlement de Paris montre l importance d une affaire marquée au coin de l invraisemblance. Quel auteur dramatique aurait imaginé un scénario mettant en scène la reine Marie-Antoinette et le cardinal prince de Rohan, grand aumônier de France, avec une bande d aventuriers et de charlatans tels que Cagliostro ? Le scandale dépassait largement l imbroglio romanesque des liaisons dangereuses et des intrigues de cour où la politique, l escroquerie et le sexe se trouvaient étroitement mêlés. Le retentissant procès qui s ensuivit fut pourtant un véritable procès politique, mettant en cause le régime, la société et la personne de la reine. Cette étrange aventure projetait sous les feux de l actualité une société aristocratique isolée du monde extérieur, prête à n importe quelle extravagance pour échapper à l ennui qui la délitait. Révélée dans sa faiblesse, elle se profilait comme un bouc émissaire à abattre. Evelyne Lever a repris toutes les pièces de la procédure, interrogé les écrits du temps relatifs à cet événement, qui « remplit d épouvante » le jeune Goethe « comme l aurait fait la tête de Méduse ».